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Chichirama : “Le deuxième EP est plus énervé que le premier”

Théo Leroy 8 juillet 2021
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À l’occasion de la sortie de leur EP, Epic Fail, nous avons eu l’opportunité de discuter avec William Moreau et Quentin Sarda en compagnie de leurs amis, anciennement dans le groupe, JR et Gab.

Salut Chichirama ! Tout d’abord, comment allez-vous ?

Will : Ouais ça va plutôt pas mal, le disque est sorti depuis une semaine, il y a eu des pré-commandes, c’est chouette.

Après c’est un peu stressant parce qu’on a envie de le défendre. C’est toujours délicat parce qu’il y a des lieux qui rouvrent post-pandémie, mais le climat est un peu incertain. On est soulagés parce que le disque est enfin sorti, c’est un beau produit, on est contents. On a décidé de faire un LP cette année, maintenant on va voir comment ça se passe sur les mois à venir avec le déconfinement.

Comme tu l’as dit, l’EP, Epic Fail, vient de sortir (13 mai 2021). Comment avez-vous choisi ce nom ? 

Will : Je pense qu’Epic Fail est assez représentatif de l’époque qu’on vit en ce moment : politiquement, sociétalement, on vit des temps un peu bizarres…

Vous sortez le clip Cheaters le 19 mars, deux mois avant la sortie de l’EP. Le clip mélange des plans de rues désertes et des plans de destruction, d’explosivité. Est-ce que ce contraste de point de vue, ça vous représente bien ?

Will : À travers le clip de Cheaters, on se pose la question de la vision des survivalistes à la Doomsday Preppers. Ce genre d’émission se fout ouvertement de de leur gueule, mais post-pandémie, ça fait moins sourire, ça pose des questions…

Et l’idée de voir des types éclater des objets, c’était un peu… se projeter dans une société dystopique à la Fall Out ou à la Mad Max. Toutes les icônes de la société moderne, on les éclate et on retourne vivre un peu comme des amish, détachés de la technologie. C’est pas ce qu’on a envie de faire, c’était plus une vision dystopique que l’on avait envie de mettre en avant.

Est-ce que c’est représentatif de l’organisation de vos concerts, visuellement, énergiquement ?

Will : Je pense que le deuxième EP est plus énervé que le premier : il a un côté beaucoup plus violent et assumé au niveau des arrangements et de l’énergie qu’on a envie de donner sur scène… On s’éloigne peut-être un peu du psyché.

JR : ou en tout cas pour aller vers un psyché beaucoup plus sombre, plus dur. Le psyché c’est pas que du soleil, c’est pas que Tame Impala !

Vous décrivez votre musique de psyché teinté de rêveries synthétiques, vous parlez de post punk. Cette musique semble de plus en plus représentée en France. Que pensez-vous des possibilités d’avenir de ce style ?

Gab : Je pense que faire du rock indé en 2021 c’est la pire décision de vie que tu puisses prendre.

On voit que ce qui marche en France aujourd’hui c’est le rap

Quentin : Déjà, ouais. Et puis on est à l’ère des DJ’s. C’est beaucoup plus simple quand t’es seul, plutôt que d’avoir à gérer cinq autres êtres humains, avec toutes les problématiques qui incombent.

Gab : Je trouve qu’il y a un certain romantisme à se donner corps et âme à une idée que tu sais vouée à l’échec.

JR : Psyché ou post punk, finalement on fait du rock et quand tu regardes ce que le rock a été en France depuis les années 60-70, c’est un genre qui a toujours été un peu niche, à côté de la plaque.

Will : Ce qui est bizarre avec le post-punk, c’est que j’ai l’impression qu’il a toujours été là… avec Frustration, chez Born Bad, par exemple. Y’à mes potes de Rendez-Vous qui ont vraiment relancé le truc, ils ont explosé et puis plein de groupes qui ont suivi, comme Structures par exemple.

Quentin : À Londres, il y a beaucoup plus de compétition…

Will : Est-ce que c’est pas dû aussi à l’ADN des anglais. À l’époque, en 2000-2010, tu voyais des kids arriver avec leur groupe, à 16 ans ils ont tous un instrument dans les mains alors qu’en France on a plus l’ADN de l’électro.

Vos textes sont en anglais. Est-ce qu’il y a une raison à ça ? C’est pour vous tourner vers l’international ?

Will : À la base, on ne chante pas en anglais parce qu’on cherche à s’exporter mais parce j’ai toujours trouvé ça plus simple de faire sonner l’anglais plutôt que le français. Je suis natif français, je vais faire davantage gaffe aux mots que j’écris. Le français est également pour moi plus dur à faire ‘groover’.

Pour autant, on n’est pas contre, c’est juste qu’on a pas trouvé le crochet encore. Peut-être qu’avec le LP, on va enfin passer le cap et faire une ou deux chansons en français, ‘stay tuned’ comme ils disent les ricains.

Tu parles d’influences. Justement, quelles sont vos inspirations dans la composition de vos morceaux ?

Will : Je suis ouvert, j’écoute plein de trucs depuis tout petit et ça se passe par phases. Classique rock de 17 à 20 ans, ça a été l’électro en début de vingtaine, le hip hop aussi, puis un intérêt pour la prod et d’autres styles plus obscurs. Comme référence on pourrait avoir les Black Angels, en France les Psychotic Monks.

Quentin : Soulwax, tout ce qui est électro. Je trouve ça hyper intéressant, le côté organique et l’électronique qui ajoute le côté péchu, mais en gardant le côté analogique derrière. L’alliance de ces deux mondes est pertinente pour nous.

Will : Depuis qu’on a commencé (Quentin et moi), que ce soit dans AOU ou avec CHICHIRAMA, il y a toujours eu une volonté de métisser. On adore le site Radiooooo, sur lequel tu choisis l’époque, le lieu et tu peux découvrir des styles. Je suis fan du rock turc des années 70 :  par exemple ce qu’a fait Altin Gün, c’est du putain de génie.

Taking Drugs to Make Music to Take Drugs to, de Spacemen 3, je dirais que ça résume bien l’esprit. L’idée c’est d’altérer ta perception des choses, pour essayer de t’emmener quelque part, raconter une histoire. J’ai toujours voulu essayer de créer de la musique très filmique. Ennio Moriccone est un artiste qui m’a énormément influencé. Quand tu trouves la bonne image, ta musique prend une autre dimension.

Vous avez 3 labels, Lofish et Le Cèpe en France Dirty Melody à Londres. Pourquoi vous avez fait ce choix-là ?

Will : La réalité c’est que ça coûte pas mal d’argent de sortir des disques, et aujourd’hui les petits labels indés ont besoin de réunir leurs forces pour pouvoir le faire.

Notre maison mère c’est Lofish, puis on s’est rapprochés de Le Cèpe. Pour Mcbaise (Dirty Melody Records) on s’est rencontrés au cours d’un concert pour la fête de la musique : on a grave accroché et on s’est dit qu’avoir une présence outre-manche serait pertinent, étant donné notre passif avec AOU.

Vous travaillez comment quand vous en venez à la composition ? À quoi ressemble un enregistrement de Chichirama ?

Quentin : Pour l’EP, c’est William qui a composé toutes les musiques seul, à part Epic Fail qu’il a co-composé avec Paul, notre ancien guitariste. Paul était arrivé en studio avec un riff de clavier et William a tout composé par-dessus. Mais la plupart des morceaux restent composés par Will. Mon rôle est plus de venir en renfort pour l’enregistrement ou quand il a besoin d’un deuxième avis.

Will : Au début j’étais hyper fermé. Le premier EP je l’ai fait seul parce que j’avais l’habitude de bosser comme ça sur AOU, en mode  « control freak ». Sur le deuxième EP j’étais vachement plus ouvert. Mon travail, aujourd’hui, est proche d’un directeur artistique/producteur : chacun arrive avec ses inputs, on jam beaucoup d’idées et on fait le tri. J’aime bien cette nouvelle approche, c’est super constructif.

Tout ce qui est mixage, mastering c’est toi ?

Will : Le mixage oui, le mastering c’est Benjamin Joubert.

En quoi la pandémie vous a-t-elle touché ?

Will : Ça a foutu en l’air un calendrier de sortie et c’était horriblement chiant d’essayer de défendre l’EP. C’était frustrant de constamment repousser : on voulait dans un premier temps sortir en mars 2020, on a hésité et décidé de sortir le clip de « Hell will take care of her » (celui avec le « train surfing ») en mai. Puis la pandémie bloque tous les concerts donc autant attendre… on repousse à septembre. Là, on se dit que c’est bon, mais malheureusement la reprise des lives se fait seulement en configuration « assise »… On ne voulait pas défendre l’EP dans ces conditions, on a donc repoussé à 2021. Ne voyant pas plus de promesses concrètes de réouverture, on en a eu marre et on a décidé avec le label et l’équipe de quand même sortir le disque, afin de passer à autre chose.

JR : Ça a pété toute la dynamique.

Will : C’est ça. JR venait de rejoindre le band, ça marchait bien, on voulait jouer live, défendre l’EP, mais on n’arrivait pas à trouver de créneau pour une Release.

Ça vous a inspiré malgré tout ?

Will : Ça n’a pas changé grand-chose à la cadence de travail : puisque tout part en couille, autant rester enfermés dans notre studio à expérimenter.

Quentin : Le seul point positif de la pandémie – si t’es pas trop déprimé par tout ça – c’est de pouvoir faire des choses, qu’en temps normal tu ne pourrais pas faire. Mais il y a des personnes qui peuvent à contrario se sentir « bloqués » par cette situation : tu te sens vide de l’intérieur et t’exprimer devient plus compliqué.

Comment voyez-vous vos prochaines performances scéniques ? 

Quentin : Sans masque !

Will : Debout, dans la sueur et avec un verre à la main si possible, ce serait cool !

La release d’un LP ?

Will : Epic Fail est un bel objet dont je suis très fier. Maintenant, le fait de l’avoir fait traîner un an sans trop savoir où on allait, ça nous a un peu fait perdre le « momentum », notamment vis à vis de la release. Du coup dès que j’ai fini mon école en juin, on repart en studio pour enregistrer jusqu’à la fin de l’année notre premier LP. Les labels sont chauds et en termes de développement on arrive à un stade où ce serait cool de se confronter au challenge du LP.

C’est dommage que JR nous quitte, mais du coup Gab prend le relai. On a quelques surprises qui arrivent également mais on en parlera en temps voulu…

2 ou 3 artistes à recommander ?

Gab : Stevie Dinner vient de sortir un album, True Story, en 2020

Will : The Comet is Coming, toute leur discographie. C’est des potes de Londres qui font partie de cette nouvelle ‘scène Jazz’, c’est un trio incroyable, surtout en live. Les Psychotic Monks sont aussi vraiment très cools.

Quentin : Mad-Mad-Mad c’est un groupe anglais qui mélange batterie, basse et synths, très orienté électro mais avec des grosses lignes de basse.

JR : Mc Baise, le mélange qu’il peuvent avoir de groove de synthés, de guitare, tout sonne organique. Je trouve que c’est très bien produit avec des progressions d’accords inhabituelles dans le rock.

Will : Moïse Turizer chez Lofish, avec Antoine à la prod qui fait des trucs de fou furieux… y a un autre EP qui arrive d’ailleurs. Sur scène, c’est aussi un délire : une sorte de Prodigy à la Française, il faut vraiment écouter ça.

Merci beaucoup de m’avoir accordé un peu de votre temps, c’était un vrai plaisir !

Will : Merci à toi.


Propos recueillis par Théo Leroy

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